Renouer avec l’engagement en entreprise : un cas d’école
Découvrez pourquoi réformer l’orientation scolaire est essentiel pour lutter contre le désengagement au travail et renforcer la productivité en France.
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Selon une étude du Boson Project, seulement 6 % des collaborateurs en France se déclarent pleinement engagés dans leur entreprise. Ce chiffre dit tout : nous faisons face à une crise silencieuse de l’engagement au travail, qui mine la compétitivité des organisations et fragilise le contrat social entre salariés et employeurs.
Plus inquiétant encore, près d’un salarié sur deux estime « normal » de frauder son entreprise – falsification de notes de frais, vols de fournitures, arrêts maladie abusifs. Derrière ces comportements se cache un désengagement profond, qui participe au recul de la productivité française, en baisse depuis le début des années 2000.
Or, il ne peut y avoir d’entreprise performante sans salariés investis. Ni de salariés épanouis dans une organisation sans sens.
Le problème : une orientation scolaire défaillante qui pèse sur le monde du travail
Derrière les discours sur le mal-être au travail, les burn-out, le bore-out ou les reconversions professionnelles forcées, se cache une réalité : trop de Français exercent des métiers qui ne correspondent ni à leurs aspirations profondes, ni à leurs compétences naturelles.
Bien sûr, il existe aujourd’hui des dispositifs de formation continue, des aides à la reconversion ou des accompagnements pour rebondir. Mais leur coût est immense. Coût financier pour l’État, coût opérationnel pour les entreprises, et surtout coût humain pour les individus qui subissent ces transitions tardives, souvent à un moment où les responsabilités familiales et financières pèsent lourdement.
C’est là que la récente annonce gouvernementale prend tout son sens. En renforçant l’accompagnement à l’orientation dès le collège – à travers des demi-journées spéciales, une année de césure possible après le bac, et une formation renforcée des enseignants – l’objectif n’est pas de « caser » plus vite les jeunes sur le marché du travail. C’est bien plus profond : il s’agit de poser, tôt, les fondations de l’engagement futur.
Car décider à 14 ans « ce que l’on fera plus tard » est évidemment illusoire. Mais apprendre dès cet âge à se poser les bonnes questions – qu’est-ce qui me motive ? quels environnements me stimulent ? qu’est-ce qui compte pour moi dans le travail ? – est une compétence en soi, qui peut transformer une trajectoire professionnelle.
On connaît tous cette personne…
On connaît tous cette collègue ou cet ami qui, chaque semaine, répète qu’il va démissionner. Qui arrive au bureau sans énergie, compte les jours avant le week-end et finit par décrocher complètement. Cette lassitude chronique n’est pas qu’un trait de caractère. C’est souvent le symptôme d’une mauvaise orientation initiale, d’un métier choisi par défaut, d’une carrière construite sans cohérence entre talents, envies et opportunités.
Ce désalignement crée un cercle vicieux : perte d’engagement, faible performance, défiance envers l’employeur, puis parfois départ subi. Et il est beaucoup plus coûteux de rattraper ce désengagement à 35 ou 40 ans que de l’éviter dès le départ.
À l’inverse, ceux qui ont eu la chance de trouver tôt une voie qui fait sens ne vivent pas le travail comme une contrainte, mais comme un terrain d’expression et de contribution. Ils deviennent les moteurs de leurs équipes et des vecteurs d’innovation.
La solution : orienter, former et donner du sens
Trois problématiques se posent conjointement à cette volonté de mieux orienter :
L’acquisition de compétences pérennes
Au-delà de l’orientation vers tel ou tel métier, il s’agit d’apprendre aux jeunes à développer des compétences transversales : esprit critique, communication, travail en équipe, curiosité intellectuelle. Ce sont elles qui, demain, permettront d’évoluer dans un monde du travail mouvant et d’embrasser des carrières multiples.L’orientation vers des secteurs porteurs et stratégiques
L’enjeu n’est pas seulement individuel. Il est aussi collectif : la France a besoin d’ingénieurs, de soignants, de spécialistes de la transition écologique et numérique mais aussi de boulangers, d’artisans et de commerciaux. Aligner les aspirations des jeunes avec ces secteurs-clés, tout en respectant leurs envies, permettra de réconcilier sens personnel et utilité sociétale.La sensibilisation à l’engagement
Le travail ne peut pas se réduire à un salaire. Il doit devenir un lieu où l’on peut exprimer ses talents et contribuer à quelque chose de plus grand que soi. Dès le collège, il faut initier les élèves à réfléchir à leurs valeurs, à ce qui nourrit leur enthousiasme et leur envie d’apprendre.
Les conditions de succès : un investissement sur les enseignants et l’écosystème
Mais pour que cette réforme porte ses fruits, il ne suffit pas de décréter quelques heures d’orientation supplémentaires. Le véritable levier, ce sont les enseignants.
Les former réellement à l’accompagnement : il ne s’agit pas seulement de parler des filières existantes, mais d’apprendre à faire émerger chez chaque élève ses aspirations, ses valeurs, ses motivations profondes. C’est une compétence de coaching, pas uniquement de pédagogie.
Les connecter aux réalités économiques : trop souvent, l’orientation reste théorique. Les enseignants doivent avoir accès à des ressources actualisées sur les métiers, les secteurs porteurs, les transformations du marché du travail.
Créer des passerelles avec les entreprises : les stages, immersions et rencontres professionnelles doivent être multipliés pour donner aux jeunes une vision concrète du travail, loin des clichés.
Un accompagnement continu : l’orientation ne peut pas être un rendez-vous ponctuel en troisième ou en terminale. Elle doit s’inscrire dans la durée, avec des jalons réguliers et progressifs.
Former, outiller et valoriser les enseignants est la condition sine qua non pour que la réforme ne reste pas une déclaration d’intention.
Conclusion : orientation scolaire et engagement au travail, un même combat
Certains diront que quatre demi-journées d’orientation par an, ce n’est pas suffisant. Que l’on ne peut pas savoir ce que l’on veut faire à 14 ans. Que les entreprises n’ont pas leur place dans l’école. Ces critiques sont entendables. Mais elles passent à côté de l’essentiel.
Le vrai enjeu, c’est de repenser le lien entre orientation scolaire et engagement au travail. Tant que l’on continuera à « subir » son métier par défaut, tant que l’on laissera les jeunes entrer dans la vie active sans clé de compréhension de leurs propres moteurs, la France continuera à perdre en productivité et en enthousiasme collectif.
Oui, il est temps de prendre le sujet à la racine : donner du sens à l’école, former les enseignants, ouvrir les jeunes aux réalités du monde économique et les accompagner à identifier leurs facteurs d’engagement.
Car on ne peut pas innover sans enthousiasme. Et il n’y a pas d’enthousiasme sans sens.
L’école a une mission : former des citoyens et des professionnels éclairés, engagés et capables de contribuer pleinement à la société. C’est là que se joue notre avenir collectif.